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Peter Lynch : Battre Wall Street

22 février 2016 by

lynch_battre_wall_street« Battre Wall Street » (« Beating the Street » dans sa version US) est le second livre de Lynch traduit en français, après le fameux « Et si vous en saviez assez pour gagner en bourse« . Le traducteur en est Antoine Dublanc, gérant de Valor Editions.

La préface laisse présager du bon Lynch. Il explique de façon efficace mais humoristique pourquoi à 46 ans il a quitté son travail chez Magellan. « Je me rappelais que mon père était mort à 46 ans. D’un seul coup vous vous sentez mortel quand vous réalisez que vous êtes plus vieux que vos parents lorsqu’ils ont disparu. Vous vous rendez soudain compte que votre existence n’est peut-être plus bien longue, et qu’un fois que vous serez mort ce sera pour longtemps. C’est là que vous regrettez de ne pas avoir partagé plus de jeux avec vos enfants, plus de sorties au ski et plus d’après-midis au stade à les voir jouer au foot. Et vous vous rappelez que personne n’a jamais dit sur son lit de mort ‘je regrette de ne pas avoir passé plus de temps au bureau’. » La suite de l’ouvrage se partage essentiellement entre une première partie autobiographie de Lynch chez Magellan et une deuxième partie de description de valeurs qu’il a analysées.

Il faut malheureusement l’avouer : ce second opus ne m’a pas du tout autant enthousiasmé que le premier. Le style est plus poussif, le contenu moins intéressant. La description des sociétés n’est pas inintéressante mais ressemble à un carnet de notes personnelles.

Relevons tout de même quelques bons mots.

p. 102. « Aux États-Unis, ce qui rend le stock-picking difficile c’est qu’un bon millier de gens aussi intelligents que vous étudient les mêmes valeurs que vous. Ce n’est pas ce qui se passe en France, ou en Suisse, ou en Suède. Là-bas, les gens éduqués étudient Virgile ou Nietzche plutôt que d’étudier Volvo ou Nestlé. »

p. 121-122. On apprend que l’expression « arracher les fleurs et arroser les mauvaises herbes » est une expression favorite de Lynch et que Buffett l’a appelé pour lui demander l’autorisation de la lui emprunter.

p. 146. J’aime bien celui-ci : « Quand vous devez vous inquiéter de ce que pense de votre travail la personne derrière vous, c’est à mon avis que vous cessez d’être un professionnel. Vous n’êtes plus responsable de ce que vous faites. Ceci crée un doute dans votre esprit sur votre capacité à réussir dans vos activités, car sinon pourquoi aurait-on éprouvé le besoin de contrôler tout ce que vous faites ? »

p. 156. « Cette théorie prétendant qu’un fonds trop grand [comme le fonds Fidelity de Magellan] ne peut que sombrer dans la médiocrité [en terme de performance] est toujours en vogue aujourd’hui, et elle est tout aussi erronée maintenant qu’il y a une dizaine d’années ».

p. 161. « Dans le domaine des actions comme dans celui des histoires d’amour, la capacité à pouvoir divorcer facilement n’est pas une base saine pour construire un engagement qui dure ».

p. 345. Lynch nous dit que Fannie Mae correspond probablement à « la somme la plus importante jamais gagnée par un groupe de fonds de placement [Magellan] sur une seule valeur, de toute l’histoire de la finance ».

Venons-en maintenant à la forme. Et là le bât blesse encore plus. L’ouvrage est entièrement truffé de fautes d’orthographe, d’erreurs de traduction et, pire, de phrases sans aucun sens.

Dès la première ligne à la « Préface à l’édition de poche » on est perdus. La traduction fait dire à Lynch : « La publication de cette édition de poche m’a permis de répondre aux critiques ». C’est incompréhensible puisque qu’il parle bien de la présente édition de poche de laquelle est traduit l’ouvrage. Bref, le traducteur aurait dû écrire « me permet » au lieu de « m’a permis »…

Deux pages plus loin on lit « Troisième idée fausse : Lynch a la main verte pour gérer des fonds. » (p. 20). Vu la suite du paragraphe, cette phrase est parfaitement incompréhensible. Afin de comprendre ce que cela pouvait signifier, je suis allé voir une nouvelle fois la version originale. La phrase est : « Misconception #3 is that Lynch has it in for mutual fund ». Qui veut dire « Lynch en a après les fonds » (il leur en veut)… bien loin de la traduction de Valor Editions. Rappelons que « avoir la main verte » ne signifie qu’une seule chose en français : être doué pour le jardinage.

Une ligne plus loin on lit « pourquoi irai-je » au lieu de « pourquoi irais-je ». En page 52, « pilonnes » au lieu de « pylônes » (le pilier généralement métallique). Ailleurs le terme anglais « relevante » n’a pas été traduit.

Tout cela n’est qu’un petit échantillon. Je me demande si cet ouvrage ne serait pas le résultat d’un traducteur automatique…

Bref, même s’il y a des choses à apprendre, ce livre reste une déception, aussi bien sur le fond que la forme,

JL – 22 février 2016.

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13 Responses to Peter Lynch : Battre Wall Street

  1. JF

    Bonjour Jérome,
    Si j’ai bien compris vous aviez déjà lu la version originale. Pour quelle raison vous attelez vous à la lecture des versions françaises (les 2 Peter Lynch, ou encore investir dans la valeur) si vous pouvez lire les VO? Ces dernières sont moins couteuses et il n’y a évidemment pas de fautes de traductions.

    Question supplémentaire, je suis tenté par deep value investing, l’avez vous lu et si oui qu’en avez vous pensez?

    Merci

    • Jerome Leivrek Post author

      Bonjour JF,
      Non non je n’ai pas lu les versions US. C’est juste que voyant des phrases incohérentes j’ai téléchargé la version US pour voir où était le problème et quelles étaient les phrases originales.
      Je pourrais lire l’anglais mais cela ne me détend pas, or je lis pour me détendre 🙂
      Pour cette raison je n’ai pas lu « deep value investing ».

  2. Etienne

    C’est quand même incroyable d’avoir ce niveau de traduction dans des ouvrages de ce type !
    Au passage, j’ai commencé Security Anlaysis en français et je trouve la traduction très bonne. Le style de Graham n’est pas dénaturé.

    JF, j’ai lu Deep Value Investing. L’ouvrage traite de cas pratiques uniquement, c’est très instructif.
    L’auteur était un protégé de Cundill. Il gère ce fonds : http://www.ch-investments.co.uk/our-funds/deep-value-investments-fund et vous pouvez le découvrir ici : http://www.beyondproxy.com/deep-value-investing/

    Simple et efficace.

  3. pat

    Salut
    Effectivement j’ai commencé à lire »Battre Wall Street » avant de le poser pour… »Deep Value Investing de Jeroen Bos ». Comme dit Étienne, il est vraiment efficace. Que des études de cas et du concret. Il m’a permis de repérer la société Norcon qui côté encore sous son fond de roulement net des dettes LT et qui en plus est profitable (FCF>0)!

  4. pat

    Deux autres traductions pitoyables: celle de « Vous pouvez être un génie de la bourse » et « l’investisseur intelligent »….je revend les deux bouquins et commanderai les versions anglophones!

  5. Jean-Benoit

    Bonjour,

    Il est certes vrai qu’après une lecture attentive de la version anglaise, la traduction en Français laisse à désirer. On retrouve cela généralement dans chacune des traductions françaises où les formules des phrases et la signification de ces dernières ne sont pas identiques. C’est pourquoi je conseille vivement la lecture de l’ouvrage anglais. Je pense qu’en lisant plus de livres anglais et donc en améliorant votre lecture anglaise, vous pourriez les appréciés plus amplement au fur et à mesure et cela vous détendrait.

    Merci encore pour votre analyse Jérome, au plaisir de lire vos critiques et analyses de nouveaux !

    Bien cordialement,

  6. Piksou

    Fan aussi de Peter Lynch, j’ai acheté ses 3 livres, le premier en français et les deux autres en anglais (payés quelques centimes sur Amazon!). Après ma première lecture de Beating the Street j’étais aussi déçu que vous ! Mais en fait la richesse du livre est exceptionnelle. Moins percutant que son premier opus, son deuxième ouvrage est plus sérieux, pousse plus loin l’analyse des sociétés et leurs suivis. Très complémentaire au premier, le livre regorge de conseils. Je vous conseille de le relire en anglais !

  7. AJE

    J’ai lu Battre Wall street en premier et j’ai bien aimé.
    En lisant Et si vous en saviez assez pour gagner en bourse, j’ai par contre beaucoup plus tiqué sur les fautes d’orthographes et les formulations bizarres.

    « Se réparer pour gagner en bourse » en titre de chapitre par exemple…

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