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Esso, au tapis

14 décembre 2019 by

Cela fait un certain temps que je suis la dégringolade de ce titre car à 60 € il était déjà bien en dessous de ses fonds propres. Mais je n’en avais pas acheté car je sais bien que certains actifs nets ne valent pas forcément grand-chose. Aujourd’hui, l’idée est différente puisque la société cote sous son cash net, c’est-à-dire de sa trésorerie minorée des dettes financières. On a en effet après le 3e trimestre 2019 :

  • Cours de référence = 22,2 €/action
  • Nombre d’actions N = 12,8 M
  • Capitalisation P = 285 M€
  • Cash net = 438 M€.

Le BFR est certainement positif puisqu’il était de 800 M€ fin 2018. Nous avons donc affaire à une EV < 0. Comment est-on passé de -88 à +438 M€ de cash net en un trimestre ? Mystère, qu’il serait mieux de résoudre mais la communication financière ne le précise pas : on ne peut pas dire que le respect des minoritaires soient la priorité de Esso. Faute de réponse, mon investissement est aujourd’hui purement automatique : les EV < 0 sur-performent le marché. Et j’en ai pris une petite portion, 3 % de mon portefeuille.

Les fonds propres sont de l’ordre de 1 000 M€, quasiment 4 fois la capitalisation. L’EBITDA du 1er semestre était de 64 M€, le FCF hors BFR de l’ordre de 0. Bref, rien de dramatique. Le fonds de gestion DNCA possédait 170 000 titres au printemps, c’est peut-être lui qui vend.

Une des questions du dossier est comment compter les engagements de retraite dans la valorisation. Ceux-ci sont en effets estimés à environ 1 000 M€ dans les comptes. Cependant, les prestations annuelles versées sont de l’ordre de 50 M€. Compter 20 ans de prestations sans  décroissance parait assez exagéré. On paye rarement plus que 10 fois les FCF pour une entreprise qui tourne bien, faut-il compter 20 fois les engagements ? Si on compte 500 M€ pour les engagements de retraite, et si on les considère comme une dette financière, on arrive à une valeur d’entreprise à peu près nulle. C’est surement exagérément bas pour une société telle que Esso. Ça, c’est pour notre valorisation. Si Exxon fait une offre publique, il lui sera toutefois facile de justifier de payer un prix ridicule en incluant les 1 000 M€ comptables dans la différence entre le prix payé et la VE.

Un problème pour les actionnaires de Esso est que Exxon, propriétaire de 83 % du capital, ne travaille que pour lui et aucunement pour les actionnaires minoritaires. Comme l’a remarqué le fisc, Exxon fait ce qu’il peut pour siphonner Esso.

Catalyseur : Puisque Exxon possède 83 % du capital, il y a cette vieille idée d’une OPA qui pourrait arriver un jour. Certains l’attendent depuis longtemps. Mais à 22 € l’action, point bas absolu, l’opportunité est unique pour Exxon. Et comme l’a écrit un copain expérimenté, qui me pardonnera cet emprunt : “L’histoire boursière montre que les vieux serpents de mer censés sortir de la cote le font un jour”.

Risques : il y en a de nombreux. Les profits dépendent essentiellement des marges de raffinage. Une catastrophe industrielle pourrait immobiliser notre argent pour longtemps. Etc.

Nous sommes dans la catégorie daubasse, voire spéculative, je ne compte donc pas faire grossir ma ligne Esso.

Enfin, comme d’habitude, ceci n’est pas un conseil d’achat et, en cela, les quelques investissements malheureux (ou stupides) que j’ai fait ces derniers mois auront peut-être le mérite de dissuader les uns ou les autres de me suivre.

JL – 14 décembre 2019.

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14 Responses to Esso, au tapis

  1. Stan

    Tout est dit ou presque par Jérôme
    Sans être un expert, je suis ESSO et SARAS (un raffineur italien indépendant ; j’ai été actionnaire des 2 mais ne le suis plus) depuis quelques années et ma conclusion concernant ESSO est la suivante :
    pile je perds et face je perds aussi…
    Pourquoi :
    Dans le business du raffinage, ya un métier clé qui consiste à acheter du brut et vendre des produits raffinés ; chez ESSO, ce service est confié à EXXON dans le cadre d’une convention réglementée.
    Par ailleurs, ya aucune couverture (de type hedging) chez ESSO contrairement à SARAS, normal me direz vous sachant qu’EXXON est le principal fournisseur de brut
    On apprend aussi à la lecture du rapport financier que les top managers d’ESSO qui reçoivent des actions gratuites sont rétribués en actions EXXON…
    Et la liste est encore longue… à commencer par un message écrit il y a plusieurs années sur “devenir rentier” où j’expliquais mes doutes sur l’appareil industriel…
    Alors oui, cela parait “pas cher” pour les raisons citées par Jérôme et d’autres encore (le portefeuille de participations pour l’exemple) MAIS les dés paraissent pipés et de fait cela finit par rebuter tous ceux qui se sont penchés sur le dossier de manière approfondie.
    @+
    Bons trades
    Stan

  2. PhilSRV

    Face et pile on perd, mais sur la tranche on peut avoir une OPRO au dessus de la valo actuelle. 🙂

    Car effectivement les trucs au flottant faible disparaissent tous de la bourse, à terme (oui tous, même les trucs de Bolloré sortent un à un …)

    Le gros souci ici c’est que le temps ne joue pas pour l’actionnaire de Esso mais pour la maison mère.

    Du ESSO j’en ai, mais j’ai coupé un gros bout et il me reste une petite ligne, en poche situ spéciale …. Pas jojo ..

  3. ilovevalue

    Bonjour Jérôme,

    Tu penses vraiment que Exxon peut faire une offre sous la book value ?

    Il n’y a (presque) que des actifs tangibles et les engagements de retraite ne sont pas comptabilisés en hors bilan mais viennent bien minorer les capitaux propres (i.e. ils sont déjà intégrés dans l’actif net).

    A titre personnel, si offre il doit y avoir, je ne comprendrais pas qu’elle puisse être inférieure à l’actif net par action.

    • Jerome Leivrek Post author

      Bonjour ilovevalue,
      Dans la doctrine de l’AMF, il n’y a rien qui oblige à faire une offre, y compris de retrait obligatoire, au dessus des fonds propres. C’est d’ailleurs un problème, à propos duquel certains d’entre nous ont alerté l’AMF lors de sa dernière enquête.

  4. Yann Sharas

    Simply Wall Street sort une analyse captivante aujourd’hui sur cette sous valorisation incroyable et prévoit un retrait de cote au moment ou les stocks se revalorisent, juste <17% restant
    Cela pourrait être une bombe car elle est en fin de congestion long terme avec un actif de plus de onze fois la cap qui est grotesque, c'est du jamais vu comptable je pense.

    • Yann Sharas

      le lien est sur :
      Simply Wall Street Esso dans google avec un fair value réelle Book stratosphérique. Etude du 6 juin et merci pour votre travail de qualité ici ce qui est rare maintenant. YS

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