Vous connaissez quelqu’un que le monde de la finance passionne (au minimum vous). Alors pour Noël offrez-lui le DVD du film, ou le livre, The big short. Le film, j’en ai déjà parlé. Il raconte comment plusieurs gérants de hedge funds ont su prévoir la crise des subprimes et parier dessus. Que vaut le livre ?
Le film est une version courte du livre, qui fait 376 pages : on retrouvera dans le livre tout ce qu’on a vu dans le film, mais on y trouvera aussi plus de détails. Michael Lewis a une écriture plutôt agréable et s’est beaucoup documenté. Il n’est guère étonnant que quelqu’un ait voulu en faire un film.
Bref, ce livre sur la crise des subprimes m’a intéressé quasiment autant que le film.
Michael Lewis avait déjà écrit un livre, sur son expérience dans la banque, qui avait eu un certain succès. Il écrit à propos de cet ouvrage (p. 17), cette confidence qui m’a touché :
Lorsque j’ai entrepris d’écrire mon premier livre, je n’avais pas de grande intention cachée, je voulais juste raconter une histoire qui me semblait remarquable. Si vous m’aviez fait boire quelques verres puis demandé quel effet le livre aurait sur le monde, j’aurais peut-être répondu quelque chose comme « J’espère que les étudiants qui ne savent pas quoi faire de leur vie le liront et décideront que c’est idiot de faire semblant et d’abandonner ses passions, ou même ses vagues intérêts, pour devenir financier ». J’espérais qu’un brillant étudiant de l’université de l’Ohio qui au fond de lui voulait devenir océanographe lirait mon livre, refuserait une offre de Goldman Sachs, et prendrait la mer à la place.
Toujours dans le prologue, il rappelle ce principe si vrai :
2008 touchait à sa fin. Le nombre d’experts qui prétendaient avoir prédit la catastrophe ne cessait de croître, mais ceux qui l’avaient réellement prédite étaient beaucoup moins nombreux. Et parmi eux, rares étaient ceux qui avaient eu le cran de parier sur leur vision.
Un des passages qui m’a particulièrement impressionné est celui où l’auteur décrit Cornwall Capital, cette société créée par deux jeunes et passée de 100 000 à plusieurs dizaines de millions de dollars en quelques années (p. 167 et suivantes). Les principes de l’investissement value, des options et de ce qu’ils appelèrent l’event-driven investing y sont particulièrement bien décrits.
On apprend aussi dans le livre, que l’investisseur principal de Michael Burry, qui l’a financé à ses débuts, puis lui retire sa confiance et le menace lorsqu’il comprend que Burry a shorté le marché des subprimes, n’est autre que le célèbre Greenblat (p. 276).
On apprend aussi de Burry qu’il est probablement atteint du syndrome d’Asperger et il aurait dit « Seule une personne Asperger lirait une brochure sur une obligation hypothécaire subprime » (p. 267). De façon générale, la psychologie de Burry m’a intéressé et interpellé. A l’âge de 40 ans, il découvre des choses importantes sur lui, cela pourra en interpeller certains.
Le livre (et le film après lui) prend à contre pied le récit commun qui attribue un rôle diabolique aux hedge funds. Ici, la faute de la crise est plutôt pointée vers les banques, les agences de notation et le gouvernement. On lira d’ailleurs en fin de livre (p. 368-9) :
Les personnes en position de résoudre la crise financière étaient, bien entendu, celles qui avaient échoué à la prévoir ; le secrétaire au Trésor Henry Paulson, le futur secrétaire au Trésor Timothy Geithner, le président de la réserve fédérale Ben Bernanke, […] et ainsi de suite. Quelques P-DG de Wall Street avaient été renvoyés suite à leur rôle dans la catastrophe des subprimes, mais la plupart avaient conservé leur poste, et c’est eux, par dessus le marché qui avaient fini par opérer à l’abri des regards pour décider des mesures à prendre après la crise. Avec eux se trouvaient une poignée de membres de l’équipe gouvernementale – ceux-là mêmes qui auraient dû en savoir bien plus sur les activités des banques de Wall Street quand il était encore temps. Tous ces gens avaient un point commun : ils s’étaient avérés bien moins aptes à comprendre les vérités élémentaires au coeur du système financier américain qu’un gestionnaire de fonds borgne atteint du syndrome d’Asperger.
The big short est édité en livre de poche, il ne vous en coûtera que 7,70 €.
Bon Noël.
JL – 22 décembre 2016.
Excellent. Ça donne bien envie de lire ce livre.
Joyeux Noël JL.
Surtout qu’il me semble bien te l’avoir offert 🙂
Bon Noël !
(il est 1h du mat, je guette le père Noël près de la cheminée).
Oui oui. Mais maintenant j’ai envie de lire .
Nous avons cherché le Père Noël en vain hier soir. J’espère que tu as eu plus de succès que nous.
Bon Noel,
Boris
Merci pour l’idée Jérôme !
Les publications de qualité en français qui touchent de près ou de loin les marchés financiers sont trop rares pour s’en priver.
ET hop ! Je l’ajoute à ma liste.
De rien Franck.
J’ai oublié d’écrire que le livre peut être assez technique par endroit (explication d’un short, des CDS etc). A n’offrir qu’à des gens réellement intéressés par la finance. Me semble-t-il.
Bonsoir Jérôme,
J’ai lu le livre suite à ton article. Ce qui m’a le plus marqué:
-p.85: Burry: « Je veux que le potentiel de hausse soit beaucoup plus important que le risque de baisse ». Il n’aimait pas non plus l’idée de vendre à découvert, car le risque était, théoriquement, illimité. Un titre ne pouvait tomber qu’à zéro, mais il pouvait monter à l’infini.
Remarque: ces phrases ont aussi été prononcées plusieurs fois dans les vidéos de Higgons.
-164: Paulson: « J’adorais le concept de jouer la baisse parce que le risque était limité, explique-t-il. C’est un pari asymétrique. »
C’est amusant de voir la différence de vision.
Je comprends bien sur la phrase de Burry & Higgons.
Je comprends aussi la phrase de Paulson. J’avais lu quelque part qu’entre 53% et 70% des profits des stratégies longues/courtes proviennent des positions courtes (Lesmond, Schill et Zhou) car les baisses sont bien plus rapides que les hausses.
A très bientôt et merci à nouveau pour ton blog!
Merci Zeboulon
J’ai du mal à comprendre la phrase de Paulson (je ne me rappelle plus de ce passage). S’il parle de long/short c’est plus clair.
JL