C’est toujours un peu rageant d’avoir des projets d’article et de voir, pendant ce temps, le cours monter en se disant “j’aurais dû l’écrire plus tôt pour en faire profiter mes lecteurs”. Mais je ne voulais pas le faire avant de terminer la lecture du rapport annuel, qui fait… 250 pages. J’ai entamé l’écriture de cet article il y a quelques semaines, suite à un relèvement de prévision du FCF pour l’année 2020, de 100 à 130 M€. La semaine dernière, un nouveau relèvement est arrivé : le FCF est prévu maintenant à 160 M€. J’ai commencé à acheter le titre à l’automne à 15,50 €, j’ai fini ma ligne il y a quelques jours, à 21,50 €, le tout pour 10 % du portefeuille.
▣ Neoopst est mort, vive Quadient
Ce titre m’a été indiqué par les copains, qui m’ont mentionné une société en retournement. Quadient est l’ancien Neopost, un spécialiste de l’équipement des salles de courrier. Mais Quadient n’est plus tout à fait Neopost. L’entreprise s’est adaptée et s’est diversifiée. Le business change : si on fait encore des machines de courrier, on gère maintenant le courrier électronique et la communication des entreprises. On installe des casiers de consigne-relais partout dans le monde. Le poids des quatre activités est le suivant (chiffres de l’année 2019) :
- Mail-related solutions. Matériel et logiciels d’expédition de courriers. CA = 790 M€.
- Customer experience management. Logiciels de communications pour les grandes entreprises (factures, web, relation clients etc). CA = 140 M€.
- Business process automation. Logiciels de communications pour les PME (communication externe et gestion de documents). CA = 65 M€.
- Parcel locker Solutions. Consignes pour le dépôt et le retrait des colis. CA = 65 M€.
Quadient m’a encore interpelé en novembre dernier, lorsqu’on a appris que la société aurait reçu une offre d’achat pour son activité de Customer experience management à plus de 350 M€, soit près de 80 % de la capitalisation de l’époque, alors que l’activité pèse 10 % du CA. Quadient a refusé l’offre, malgré l’insistance publique du fonds activiste Teleios qui possède 15 % du capital.
Puisqu’on parle valorisation des parties de la société, mentionnons le comparable Inpost, sur les casiers, qui vient de s’introduire en bourse à Amsterdam : il pèse 8 Md€ de capitalisation pour un chiffre d’affaire de 2 Md€. Cela valoriserait la composante casiers de Quadient à 250 M€, soit le tiers de sa capitalisation actuelle, alors que l’activité pèse 6,5 % du CA. La comparaison stricte est fausse car la croissance de Inpost est phénoménale (+60 %/an), mais cela donne au moins un point de repère et montre le potentiel du secteur.
▣ Achats du Directeur Général
J’ai été intéressé aussi par le fait que Geoffrey Godet, le DG depuis 2018, a acheté 450 k€ d’actions depuis octobre 2019, entre 22,5 € (achat le plus important) et 11,45 €. A comparer à sa rémunération totale qui, en 2019, a été de 1,8 M€, dont 0,36 M€ d’actions. La rémunération est importante mais les achats restent significatifs.
▣ Revenus, Cash flows et dette
Bien que les activités historiques soient en décroissance, les nouvelles activités démarrent bien. Les revenus et les cash flows ont été préservés et sont assez stables. Les FCF moyens ont été d’un peu plus de 3 € par action ces dernières années. Ce qui fait un FCF yield de 15 % par rapport au cours de bourse. C’est déjà énorme.
Les dettes financières sont toutefois importantes et je préfère comparer à la valeur d’entreprise (EV). Le rapport semestriel au 31 juillet 2020 indique que les dettes se montent comptablement à 1049 M€ hors dettes de loyers. Mais Quadient a en propre une activité financière de leasing de ses machines à affranchir. Elle a acheté ces machines avec cette dette, mais elle les rembourse avec le leasing de ses clients. Une partie de la dette est donc à mettre en face de créances clients : les créances sur credit-bail sont de 613 M€. La dette financière brute hors leasing est donc de 436 M€. Fin juillet, la trésorerie se montait à 533 M€. La dette nette retraitée du leasing est donc négative à -97 M€ (situation de cash net).
▣ Retraitement du 2e semestre et du BFR
Au premier semestre 2020, le tableau de flux de trésorerie indique :
- CAF = +100 M€
- Incidence de la variation de BFR = +30 M€
- Intérêts payés = -15 M€
- Capex = -40 M€
- FCF = +75 M€
- FCF hors BFR = +45 M€.
Pour l’année, on sait que le FCF est de 160 M€. En prenant les mêmes capex et intérêts qu’au premier semestre, on peut en déduire que le second semestre ne devrait pas être loin de la situation suivante :
- CAF = +105 M€
- Incidence de la variation de BFR = +35 M€
- Intérêts payés = -15 M€
- Capex = -40 M€
- FCF = +85 M€
- FCF hors BFR = +50 M€.
Sur l’ensemble de l’année 2020, on aurait donc :
- Incidence de la variation de BFR = +65 M€
- FCF = +160 M€
- FCF hors BFR = +95 M€.
Vous savez que, de façon maintenant commune, je préfère calculer un FCF hors variations de BFR car ces dernières sont le plus souvent non pérennes. C’est encore plus vrai pour l’année 2020, pendant laquelle l’activité a été moindre, et que les entreprises ont ainsi pu dégonfler leur BFR, augmentant par la même leur FCF total. Je considère donc qu’un FCF normatif pour 2020 serait plutôt de l’ordre de 95 M€.
Notons toutefois que 2020 a aussi été une année de baisse de “un peu moins de 8 %” du chiffre d’affaires organique. On peut donc tabler sur le fait qu’un FCF d’année normal devrait être supérieur à celui de 2020.
On peut aussi remarquer que la bonne tenue du FCF résulte en partie de la bonne tenue du BFR mais pas uniquement. En effet, la société précise : “cette révision à la hausse des perspectives de flux de trésorerie est principalement liée à une gestion rigoureuse du besoin en fonds de roulement, conjuguée à un contrôle continu des dépenses opérationnelles et des investissements, ainsi qu’à un bon niveau d’activité en fin d’exercice”
Bref, 95 M€ semble être un minimum pour un FCF normatif de Quadient.
Maintenant que l’on a estimé le FCF du second trimestre, on peut réestimer la dette nette. Si l’on considère que le FCF du second semestre est définitivement rentré, alors la dette nette a diminué de 85 M€ par rapport à fin juillet. Dans un souci de prudence, je préfère considérer que la variation de BFR gagnée en 2020 sera perdue en 2021 et je la retranche du cash total. Par rapport à fin juillet, j’ajoute donc 50 M€ de FCF hors BFR du S2, et retranche 30 M€ d’incidence de BFR du S1. La dette nette ainsi calculée se monte à -117 M€.
▣ Valorisation
On peut dès lors établir les chiffres suivants, normatifs :
- Cours au moment de ce post = 21,5 €
- Nombre d’actions = 34,56 M
- Capitalisation = 743 M€
- Dette nette (hors leasing) = -117 M € (cash net positif)
- EV = 626 M€
- FCF = 95 M€
- EV/FCF = 6,6
- FCF yield (sur EV) = 15 %.
Ce n’est pas cher, d’autant qu’il y a trois quarts de récurrence dans les revenus, ainsi que la potentialité d’une croissance sur les nouvelles activités. Je ne vais pas chercher à donner une valeur à l’entreprise pour l’instant. Attendons la suite avant de nous prononcer sur cette question.
▣ Conclusion
Avec Quadient, nous achetons une rentabilité annuelle de 15 % sur investissement, ce qui est plutôt fabuleux en ce moment. Il n’y a plus qu’à attendre que le marché se rende compte que la société n’est pas morte, qu’elle gagne de l’argent et qu’elle a du potentiel. En attendant, notre capital augmente.
Ajoutons que la société a une politique de dividende : il était de 1,7 € jusqu’en 2017, et a été fixé à 0,35 € l’an dernier (bénéfices 2019).
JL – 16 mars 2021.
Annexes et mises à jour.
▣ Résultats financiers 2020 : le 30 mars 2021 avant ouverture des marchés.
▣ Interview du DG : ici.
▣ Analyse. Le 15 mars 2021, Société Générale a relevé son objectif de cours de 17,50 à 25 euros sur le titre Quadient, tout en maintenant sa recommandation d’Achat. Le broker combine désormais un modèle SOP à un modèle DCF pour valoriser le groupe. L’analyste constate la forte hausse du titre depuis le plus bas historique inscrit le 29 septembre 2020 en séance à 9,62 euros, grâce à l’intérêt suscité par sa division CXM, des résultats semestriels plutôt encourageants et le relèvement par deux fois de sa guidance annuelle ces derniers mois (Zonebourse).
▣ Article dans Le Revenu :
▣ Article dans Investir, du 3 avril 2021 :
Sympa ton analyse Jérôme ! Ça change du décoté pur et dur. On dirait que la transformation en cours est en train de bien prendre.
Comme catalyseur, je verrais bien une double cotation aux US. Il y pas mal de business là-bas (box notamment). Cela ferait sens. A noter que le PDG est franco-amerloque aussi.
Cette double cotation permettrait surtout de capter les multiples de valorisations stratosphériques des valeurs “technos”.
Qu’en penses-tu ?
Si la direction de Quadient passe par ici, qu’en pense-t-elle ?
Salut Franck
Excellente idée !
Y’a plus qu’à 🙂
Très Bon article, je te rejoins sur quadient, j’ai également une ligne de 16% avec un Pru de 14.6€
Je te remercie pour ton blog, j’apprécie ta manière de présenter les choses et ton stock picking est vraiment chouette.
Je m’interroge sur Esso et la reprise des cours du pétrole ainsi que la reprise sur dépréciation qu’ils devraient faire à la prochaine publication. De même quand Esso dégagera a nouveau du résultat la maison mère va vouloir toucher du dividende. As tu un avis sur Esso ? au cours actuel ?
Je voudrais également attirer ton attention sur Touax si tu ne connais pas, une jolie recovery à mon sens.
Bonne journée
Charles
Bonjour Charles
J’ai fini par vendre mes Esso. Le cash rentre et sort sans que je comprenne comment. Et quand je ne comprends pas, je préfère souvent ne pas (plus) y être.
Pour Touax, les majoritaires ont la réputation de ne pas être alignés sur les minoritaires, voire carrément de les flouer en faisant remonter du cash dans leur holding. Je serai prêt à regarder si le cours est complètement à la cave, mais je n’ai pas l’impression que ce soit le cas, si ?
Quadient annonce ce matin l’acquisition de la FinTech canadienne Beanworks, leader dans les solutions SaaS d’automatisation de la gestion des factures fournisseurs.
L’acquisition est faite à 10 x le CA : 70 M€ pour 7 M€ de CA mais « L’acquisition de Beanworks vient finaliser la vision de Quadient, communiquée début 2019, en créant une véritable plateforme cloud complète de niveau mondial pour les communications d’entreprise » a déclaré Geoffrey Godet, Directeur Général de Quadient. « En associant les forces de Beanworks, de YayPay et du portefeuille de solutions logicielles de Quadient, nous nous distinguons en tant que leader dans le software, avec une combinaison idéale de solutions cloud nous permettant de poursuivre notre mission d’aider les entreprises de toutes tailles à dématérialiser et à automatiser leurs processus les plus critiques ».
En résumé, Quadient mise à la fois sur la complémentarité et les synergies de ses fililales, ainsi que sur le partage de ses bases clients.
Communiqué complet : https://resources.quadient.com/m/7c00f3cbf771bb72/original/Quadient_Beanworks-acquisition_FR_final.pdf
Bonjour Jérome,
Merci pour le partage. L’article est très précis sur le traitement particulier de la dette !
La hausse du jour est probablement liée à un relèvement d’analyste :
“Oddo BHF est passé de ‘neutre’ à ‘surperformer’ sur le titre de l’ancien Neopost. Malgré le récent rerating, la valorisation demeure particulièrement faible à 4,4x l’EBITDA 2021 estimé et 7,4x l’EBIT, justifiée par une séquence bénéficiaire dégradée depuis 8 ans.
Néanmoins, le profil de Quadient est en train de changer avec des performances 2020 meilleures qu’anticipé, un redressement attendu de la profitabilité en 2021, la poursuite de la montée en puissance des nouvelles activités avec un redressement des marges à la clé, détaille le broker. La valorisation potentielle des nouvelles activités du groupe (logiciels, PLS, cf. les tentatives de rachat de PE, l’IPO d’InPost…) traduit une réelle valeur cachée, ajoute l’analyste, qui porte sa cible de 16,5 à 30 euros. ” (Boursier.com)
Bonjour Jérome,
que pensez-vous de la chute du cours suite aux résultats ? Nous sommes d’accord sur le fait que commenter un cours de bourse au jour le jour n’a pas de sens et je ne voudrais pas tomber dans ce travers. Toutefois je reste surpris de la réaction à court terme du marché.
Tout de même, la société annonce un retour à une croissance de l’ordre de 3% par an alors qu’on vient d’un business majoritairement en décroissance. C’est plutot positif et signe que la croissance des nouvelles activités devrait continuer.
Aurais je raté quelque chose de franchement mauvais dans ces résultats ?
Merci,
Bonjour Jean
Je suis comme vous, je ne comprends pas, je pense toujours que les FCF hors BFR sont de l’ordre de 85-90 M€, donc un FCF/EV de 15 % ce qui franchement très bon comme investissement. Si la décroissance est stoppée alors je ne vois pas où est le problème.
Analystes :
Stifle a relevé son objectif de cours à 20 €.
Oddo ne comprend pas non plus la réaction du marché et vise 30 €.
Je me suis laissé dire également que Gilbert Dupont avait passé son TP à 20e (contre 20.8e) et serait passé à “Alléger” au lieu d'”Acheter”.
Article sur Quadient dans Investir de ce we. Je le copie ci-dessus.
Quadient et Relais Colis signent un partenariat stratégique pour déployer 500 consignes colis en magasins en France :
https://ml-eu.globenewswire.com/Resource/Download/3d7cf6b4-a5a3-40eb-a86b-b96b314e45d3
Entretien avec Godet, la stratégie est exposée assez clairement :
https://www.lalettredelabourse.fr/interviews/2021/04/14/entretien-avec-geoffrey-godet-directeur-general-de-quadient-les-objectifs-que-nous-visons-sappuient-desormais-sur-une-croissance-purement-organique/
Très content de voir cet article sur cette boîte !
J’avais commencé à en acheter quand elle s’appelait encore Neopost. PRU = 13,282 euros
De mémoire, j’évalue la valeur intrinsèque à un plus de 70 euros (je n’ai pas encore mis à jour ce calcul avec le dernier exercice comptable).
Pour ma part, c’est un investissement de type GARP, je vais la garder encore quelques années en portefeuille.
AMF: je suis actionnaire
Jean-François Delcaire, mon gérant préféré, est passé à l’achat sur Quadient : (vidéo 3 min) https://www.bfmtv.com/economie/replay-emissions/bfm-bourse/jean-francois-delcaire-hmg-finance-quadient-co-leader-mondial-des-equipements-et-machines-a-affranchir-le-courrier-postal-06-09_VN-202109060325.html
Coïncidence, j’avais doublé ma position hier matin vers 22,7 € (un peu moins de 10 % du portefeuille), après avoir allégé ce printemps vers 25-26 €.
Bonjour,
pourquoi aviez vous vendu vers 26e ? sur quels criteres. En tous cas bravo d’avoir pu la vendre et la racheter plus bas, je ne sais absolument pas timer le marché.
Bonjour,
Maintenant, quand j’ai une grosse position, je m’allège dans la montée, notamment quand je me rapproche de l’objectif de cours. Pourquoi 26 € ? Je pourrais répondre que c’est l’experience, mais c’est plutôt la chance 🙂
Bonjour Jérome,
Que penser de la baisse de Quadient ce jour, malgré des résultats qui me semblent plutôt de bonne facture?
Merci
Nad
Bonjour Nad,
J’ai été déçu des résultats. Rapidement, j’ai calculé un FCF semestriel hors de BFR de 30 M€ ce qui est bien moins que précédemment.
JL
Bonjour, comment calculez vous 30M de FCF hors bfr SVP. J’en trouve 59.
Bonsoir Jean,
Je fais comme dans l’article, je considère comme BFRtotal tout les actifs courants (BFR et créances de leasing) :
FCF total = 54
dont dBFR = -6
dont baisse créances de leasing = -32
donc
FCF sans BFRtotal = 54+6-32=28.
Des créances de leasing vendues, c’est comme une dette contractée, ou un bout de stock vendu : c’est un actif monétisé, ce n’est (pour moi) pas un FCF provenant de l’activité.
Les resultats 2021 sont sortis, je les trouve bon. Encore environ 100 M€ de FCF. Oddo aussi, qui confirme son objectif de cours à 34 € :
” Oddo estime que Quadient a publié des résultats annuels proche de ses attentes pour les résultats opérationnels.
‘ Le groupe affiche finalement une meilleure performance top line avec une croissance organique de 4,3% dont +3% pour les Opérations Majeures (92% du CA). Toutes les divisions ont contribué positivement avec une hausse organique de 7,3% pour ICA, 2,6% pour PLS et 1,8% pour l’activité historique MRS ‘ indique l’analyste.
Pour les perspectives, le management vise une croissance à 2 chiffres pour ICA et PLS. ‘ Pour notre part, nous visons pour 2022 un CA de 1048 ME (+2,4%) en ligne avec le consensus et un ROC avant prise en comptes des charges liées aux acquisitions de 155,5 ME (+5,8%), légèrement supérieur aux guidances soit une MopC de 14,8% (+40pb) confirmant l’inflexion de la MopC ‘ rajoute Oddo.
L’analyste confirme son opinion Surperformance avec un objectif de cours de 34 E.” (Zone Bourse)