Si pour les bières vous n’êtes pas difficiles, vous l’êtes peut-être pour le choix de vos actions. Vous avez raison !
La notion de critères d’achat et de vente est centrale en investissement. Lister formellement les critères n’est pas si facile. C’est ce que je vais tenter.
Quels sont les critères qui font que j’achète une entreprise ? Puis que je la vends ? Cette liste n’est ni absolue, ni définitive, elle est le point de départ d’une réflexion, elle est bien entendu destinée à être amendée, poursuivie et discutée… notamment par vous, chers lecteurs.
Critères d’achat
Ce sont les critères que je regarde quand je sélectionne mes titres. Evidemment, ils ne sont pas stricts et ne sont pas tous obligatoires. C’est un ensemble parmi eux qui me dictent si je dois investir.
J’ai classé les critères en trois groupes :
- en vert : un seul de ces critères peut faire en sorte que je m’intéresse à la société.
- en noir : s’ils sont satisfaits c’est un plus.
- en rouge : les critères exclusifs, s’ils ne sont pas satisfaits, j’élimine presque obligatoirement le titre.
Soit P le prix de l’action (cours de bourse). Les autres temes sont définis dans le glossaire.
Je suis incité à acheter, ou au moins à analyser la société, si :
- P/VANT < 0,3
- P/Valeur intrinsèque < 0,5
- P/VAC < 0,66
- P/VANN < 0,66
- P/(cash-dettes) < 1
- P/E ou P/FCF ou EV/FCF < 6
- EV/EBITDA < ratios du secteur (3-4 est souvent une limite intéressante)
- Un gourou value achète des actions.
- Les dirigeants achètent des actions.
- L’entreprise achète et annule des actions.
- Les dirigeants et/ou les actionnaires principaux ont un passé élogieux de dirigeant ou d’investisseur.
- Les dirigeants possèdent un nombre significatif d’actions.
- C’est une petite capitalisation.
- Il y a un catalyseur possible : un revenu exceptionnel comme par exemple un procès qui pourrait être remporté ; la société semble OPAble ; etc.
- Le secteur est déprimé en bourse (exemple : photovoltaïque). Il y a une chance que toutes les valeurs soient survendues, les moins bonnes comme les moins mauvaises.
- Ma performance sur investissement est possiblement supérieur à 20 % par an.
- Ratio de solvabilité > 0,2 pour une société bénéficiaire, >0,4 pour une société déficitaire.
- Ratio de liquidité > 2
- Quick ratio > 1
- BNPA et FCF ne sont pas trop négatifs.
- L’essentiel de la société (siège social, dirigeants, entités opérationnelles) est situé dans un pays où je sais que les actionnaires ont des droits.
- Les dirigeants ne doivent pas avoir un passé boursier négatif, notamment avoir floué des actionnaires.
Quelques critères demandent explication.
Celui de performance supérieure à 20 % par an notamment. Il est évidemment impossible de dire quelle sera la performance d’un investissement et surtout pas dans quel laps de temps. Il s’agit ici de s’interdire d’investir si on est presque sûr de ne pas atteindre 20 % par an. Exemple : avec Air Liquide acheté à son prix, on est sûr d’avoir un dividende annuel de quelques % mais il est très peu probable de gagner 20 % /an. Je m’interdis cet investissement. C’est donc un critère exclusif. Autre exemple, qui cette fois passe le critère : Cofidur acheté 1 euro et dont j’avais estimé la valeur à au moins 3 euros au moment de l’achat. Pour faire 30 % /an il suffit que Cofidur atteigne son prix dans les 4 ans, ce qui est possible.
La société est-elle OPAble ? Vérifier notamment que les actionnaires dirigeants ne sont pas plus accrochés à leur salaire qu’à une plus-value ; voir quel est l’âge des actionnaires principaux ; etc.
Le BNPA ou le FCF ne sont pas trop négatifs. Si le BNPA ou le FCF sont négatifs alors ils ne doivent pas représenter une fraction significative de la marge de sécurité. Par exemple |BNPA|<(VANT-P)/5 : je veux qu’il faille plus de 5 ans avant que la VANT rejoigne le cours.
Droits des actionnaires. Je considère que ceux-ci sont à peu près protégés dans les régions suivantes : Europe de l’Ouest, Amérique du Nord, Australie, Japon, Hong-Kong. Dans le doute j’évite tous les pays où les droits humains fondamentaux ne sont pas respectés, si on ne respecte pas ceux-ci, pourquoi respecterait-on ceux-là ? J’exclus donc absolument : Chine, Russie, Israël…
Dans tout l’article, on peut remplacer la VANT par une autre valeur, celle de renouvellement des actifs.
Critères de vente
Savoir quand vendre est encore plus difficile que de savoir quand acheter. Car quand on achète avec une grosse décote, peu importe vraiment de savoir si la décote est de 40, 50 ou 60 %, dans tous les cas on fait une affaire. Alors que pour vendre, bien malin qui peut donner le prix exact d’une société. Voici mes critères.
- Je vends si, à la fois les critères patrimoniaux sont dépassés : P/Valeur intrinsèque ou P/VANT > 1, et les critères de rentabilité le sont aussi : P/E ou P/FCF ou EV/FCF > 10.
- Il m’arrive aussi de vendre parce que les pertes sont importantes et j’anticipe que P/VANT seront bientôt égaux à 1 (exemple : PV Crystallox).
- Au lieu de P/VANT, le critère est parfois P/VaC > 1 ou P/VANN >1 lorsque la société est mal en point, douteuse ou que je ne suis vraiment pas sûr de sa valorisation (exemple : Heliad).
- En cas d’OPA : si j’ai décidé de vendre alors je n’attends pas l’OPA mais je vends dès l’annonce, quitte à le faire avec une décote (exemples : Ciments français, Systran…). Je considère que les ~3 % perdus en 6 mois seront mieux placés ailleurs.
- Le gourou vend ses titres.
- J’ai une opportunité d’achat excellente sur un autre titre et je n’ai plus de liquidités.
Et vous, quels sont vos critères ?
Important de se poser la question aussi des clients, si la societe a 1 gros client, qui représente un trop gros volume de C.A, je préfère passer ma route… Un cash flow opérationnelle négatif j’y vais pas non plus tout comme si les stocks représentent l’essentiel de l’actif courant… Je suis plus méfiant (cas des retailers, vet affaires notamment)
Tout à fait d’accord sur le nombre de clients et sur la qualité des actifs, notamment des stocks. Par contre je ne suis pas autant à cheval sur le cash flow opérationnel, il peut y avoir de mauvaises années. Disons que c’est un critère, mais pas exclusif pour moi. En tout cas merci pour ces idées que j’avais oubliées.
Bonjour,
Post tres interessant, je vais prendre mon temps pour essayer de bien comprendre tous vos criteres.
Pour se faire, connaissez vous un endroit où je peux trouver une definition des ratios et quick ratio
Merci d’avance
Francois
Les ratios sont définis dans le glossaire du blog. Dites moi s’il manque des termes.
Excellent article,
Perso, voici mes critères pour considérer un achat:
Bilan extrêmement solide
dette long terme sur capitaux propres inférieur à 0.75
encaisse bien garnie
Ratio de liquidité relative solide pour le secteur d’affaires
Rentabilité supérieure
Marge nette élevée et stable ou mieux encore, en hausse
rendement sur l’avoir des actionnaires supérieur à 15%
fond autogérés libres
création de fonds autogérés libres constante et en croissance
versement d’un dividende régulier
rachats d’actions
acquisitions profitables
diminutions de la dette à log terme
augmentation de l’encaisse
potentiel de rendement
doit être supérieur à 14% (dividende inclus) sur 5 ans
Est-ce que vous regardez, au delà de la décôte sur actifs, l’historique de la société sur sa capacité à générer du cash pour les actionnaires (FCF, et pas seulement sur l’année en cours) ? Même chose sur la rentabilité des investissements (ROIC).
Parce que le critère du prix est évidemment le plus important, mais si la boîte n’est pas rentable historiquement, on peut douter de la marge de sécurité.
Quant aux “gourous”, si au moins 2 d’entre eux digne de confiance sont à l’achat, on peut être tenté de s’embarquer aussi. D’ailleurs, il m’arrive de regarder et suivre parfois vos mouvements de portefeuille :). Powerfilm, Toyota Caetano, Cofidur, tiens vous n’avez pas Gevelot qui pourrait rentrer dans vos critères, voire Orchestra…
Article très intéressant.
Compte tenu de mes faibles capacités,c’est en suivant les gouroux que j’investis. C’est ainsi que j’ai acheté i2S -).
Bonjour,
Personnellement je ne regarde pas autant de critères que vous mais j’essaie de balayer plusieurs critères (dans le désordre) :
Bilan :
* Part des actifs intangibles (immo incorporelle et goodwill) : pas de critère spécifique, tout dépend du secteur
* Taux de distribution de dividende : inférieur à 60% (pour ne pas grever la capacité d’investissement de la société)
* Gearing : inférieur à 120%
* ANC : inférieur au cours
* ANC hors intangible < 0,75xCours
* Dette sur EBITDA 2,5xCout de l’endettement (indicateur défendu par B. Graham)
Merci à tous, il va falloir que je rajoute des critères dans ma liste ! On verra quelle forme ça prend.
– Martin, le dividende n’est pas un sujet pour moi, le rendement est en général trop faible devant les fluctuations des cours, et la fiscalité est dissuasive.
– CaptainTrips, oui il y a une ligne P/FCF (annuel et historique) dans mes critères. Par contre les rentabilisés ne m’intéressent pas trop, tout ce qui m’intéressent est combien je la paye. Et j’ai bien Gevelot en portefeuille, dans la partie Daubasses, acheté à 45 €…
– Alexandre et tous : le gearing et autres correspondent à mon ratio de solvabilité (fonds propres/actifs).
– yihk : si vous avez acheté i2S à 1,20 ou 1,40 € vous avez fait une bonne opération !
Bonjour
Comment définissez vous le retour sur investissement ? S’agit il du ROE ou du ROI de la société?
Bonjour pat, quand je mentionnais “le retour sur investissement” il s’agit de MON investissement ; je change le terme en “ma performance”, ce sera plus clair.
Limpide et intéressant.
Personnelement :
1. Si ma thèse se résume à une forte décote sur bilan, je revends à environ 90% de la VANT
2. Si le ROE est bon, pour mois >15%/an, j’ai tendance à garder l’action dans le temps.
Bonjour,
Suite à ma question sur Renault dans un autre billet (reporting de janvier-mai 2020), j’ai deux questions complémentaires :
1) votre blog s’appelle “Le projet Lynch”, ne devrait-il pas s’appeler “Le projet Graham” ? 🙂 En effet, vos critères d’analyse fondamentale (et plus générale votre approche dans vos billets) sont très “value”. Même si certains de vos investissements prennent des libertés avec ces critères value, et semblent effectivement s’inscrire dans une approche “Lynchéènne”
2) je me considère encore comme débutant en matière d’investissement et d’analyse fondamentale, pour étudier les sociétés à l’aune de mes critères (grille encore en construction d’ailleurs), j’utilise un bon vieux Excel ou Googlesheet… Ma question : que pensez-vous des sites d’analyse / screener, type unclestock.com ou oldschoolvalue.com ? En utilisez-vous ?
Je ne doute pas de leur utilité (pourquoi réinviter la roue avec un Excel) et du temps qu’ils peuvent faire gagner… mais l’abonnement à ces sites n’est pas donné (25 à 50 € / mois) et je ne peux m’empêcher d’assimiler cela à des frais qui impact la performance du portefeuille.
Un grand merci pour votre retour.
Michel
Bonjour Michel
Merci pour votre intérêt et vos questions, qui me challengent. Et désolé pour mon temps de réponse, j’ai eu pas mal de travail.
1) Vous avez raison, je suis plus prêt de Graham que de Lynch. Mais j’ai eu un coup de coeur pour le livre de Lynch, tellement agréable à lire ; c’est pour cette raison que j’ai choisi ce nom.
2) Remplir des fichiers Excel ou autre, c’est ce que je vous conseille de faire pour faire une vraie analyse. Perso, c’est ce que je fais. En effet, les sites ne sont pas suffisants car il y a des subtilités dans les comptes. Par contre, avant, pour avoir une toute première idée de l’intérêt d’aller plus loin, je vais voir un site. Maintenant, je vais sur Stockopedia, mais c’est tres cher pour un seul petit investisseur. Vous pouvez aller sur Morningstar pour visualiser les comptes d’un coup d’oeil.
Bonne journée
JL
Merci pour votre réponse.
Je vous rejoins, le livre de Peter Lynch (en tout cas celui que j’ai lu “Et si vous en saviez assez pour gagner en bourse”) est vraiment agréable à lire, dynamique. Tout en permettant d’apprendre plein de choses. C’est d’ailleurs mon premier véritable livre sur l’investissement en bourse, je l’ai lu il y a plus de 7 ans et j’en garde un super souvenir.
Bonne journée également.
Michel