« Investir dans la valeur. De Benjamin Graham à Warren Buffett et au-delà » de Michael Van Biema, Bruce-C-N Greenwald, Judd Kahn, Paul-D Sonkin.
Lorsque j’ai lu ce livre pour la première fois, je débutais et c’était sûrement trop tôt car… je n’ai rien compris, ni rien retenu.
Il faut dire que la forme n’aide pas : cette édition française de l’ouvrage américain est d’une qualité très très médiocre. Outre un nombre de fautes de frappe incalculable, l’éditeur ne connait pas les règles de typographie française : les noms propres et les noms de sociétés sont intégralement en majuscules, il n’y a pas d’espace avant les $ et les % (encore que l’éditeur n’applique même pas sa ‘règle’ uniformément).
La structure de l’ouvrage elle-même n’est pas très pédagogique. On peut légitimement douter que les auteurs aient passé beaucoup de temps à vouloir rendre leur discours le plus structuré, le plus simple, le plus accessible. Les notions s’entremêlent sans qu’on voit souvent le cours logique des choses. On a du mal à appréhender ce qui est important de ce qui ne l’est pas. Un exemple : la formule de calcul de la VCB, notion importante de l’ouvrage, est perdue au milieu d’un paragraphe. Quant à la définition du « coût du capital », élément fondamental de cette formule, je ne sais même pas où elle se trouve !
Malgré toutes ces critiques je conseille néanmoins la lecture de l’ouvrage parce qu’il contient certaines notions intéressantes, voire fondamentales, pour qui veut investir dans la valeur.
Maintenant que deux années ont passé et que je suis un peu aguerri, je l’ai relu avec plus de plaisir et en ai retenu quelques idées.
L’ouvrage est divisé en trois parties. Dans la première, les auteurs nous dressent un panorama de ce qu’est l’investissement value. Il y a quelques passages fort intéressants. Comme celui où l’on apprend pourquoi en l’absence de barrière à l’entrée ou d’avantage concurrentiel « la valeur de renouvellement des actifs est la meilleure mesure de la valeur intrinsèque de la société » (p. 64-65).
La deuxième partie entre au coeur du process d’investissement value. La thèse des auteurs est que la valeur d’une société se décline suivant trois critères :
- la valeur des actifs,
- la valeur de la capacité bénéficiaire,
- la valeur de la croissance.
Les actifs doivent être estimés suivant leur valeur à la casse si la société est au bord de la faillite et suivant la valeur de renouvellement si elle est en bonne santé. La valeur de la capacité bénéficiaire se base sur les free cash-flows moyens sur un cycle économique. Et encore plus difficile à estimer : la valeur de la croissance protégée par une franchise. Le dernier chapitre de cette partie traite de la gestion du portefeuille. Encore un chapitre inégal : le début explique bien comment les gérants value rejètent en bloc la théorie qui consiste à assimiler volatilité et risque, par contre la fin nous suggère qu’en l’absence de toute opportunité d’achat bon marché, le gérant n’a de meilleur choix que d’acheter un indice, pour la raison que l’indice action surperforme à long terme tous les autres placements. C’est faire un grave oubli : que cette surperfomance vaut en moyenne sur une longue échelle de temps et que si aucune opportunité ne se présente, c’est peut-être qu’on se situe justement à un moment très particulier, celui où le marché est surévalué.
Dans la troisième partie, les auteurs proposent des portraits de huit grands investisseurs. Le sujet est passionnant mais on n’apprend pas toujours quelque chose. J’ai par exemple relu plusieurs fois le chapitre sur Seth Klarman : je n’ai toujours pas compris réellement quels sont précisément les critères de cet investisseur. D’autres sont plus instructifs. Celui sur Buffet par exemple, constitué d’échantillons de rapports annuels de Berkshire Hathaway. Le chapitre sur Gabelli initie le lecteur à une notion qui me semble fondamentale, la valeur de marché privé, même si après ces quelques pages je ne saurais dire comment on réalise une évaluation de cette valeur. Celui sur les Schloss m’a semblé plus à ma portée.
En conclusion, un livre à lire et relire, non pas linéairement du début à la fin, mais par morceaux, en fonction de vos compétences.
Table des matières
Première partie : une introduction à l’investissement dans la valeur.
I. L’investissement dans la valeur – Définitions, spécificité, résultats, risques et principes
II. La recherche de la valeur – Chasser là où se trouve le gibier
Deuxième partie : les trois sources de la valeur
III. L’évaluation en théorie et en pratique
IV. Évaluer les actifs – De la valeur comptable à la valeur de renouvellement
V. La valeur de la capacité bénéficiaire – La valeur des actifs et de la franchise
VI. Une belle petite franchise – La capacité bénéficiaire de WD-40
VII. A l’intérieur d’Intel – La valeur de la croissance dans une franchise
VIII. Construire le portefeuille – Risque, Diversification et Stratégies par défaut
Troisième partie : Investir dans la valeur : la pratique – portrait de huit investisseurs
IX. Warren Buffet. Investir c’est répartir ses capitaux
X. Mario Gabelli. Découvrir et calculer la Valeur de Marché Privé
XI. Glenn Greenberg. Chercher, être sélectif et surveiller son panier
XII. Robert H. Heilbrunn. Investir dans les investisseurs
XIII. Seth Klarman. Des vendeurs désespérés, des acheteurs absents
XIV. Michael Price. Discipline, patience, concentration et potentiel d’investissement
XV. Walter et Edwin Schloss. Faire simple et pas cher
XV. Paul D. Sonkin. « Small is beautiful », notamment quand c’est minable
Valor Éditions, paru le 10/09/2002.
35,50 euros.
JL – juillet 2014 – octobre 2015.
Bonjour Jérôme,
Je l’ai également lu il y a quelques années, et même s’il n’est pas toujours pédagogique ni très clair, ce livre m’a tout de même permis de comprendre les 3 méthodes de valorisation d’une entreprise (actifs, bénéfices ou croissance) et surtout comment choisir la plus adaptée selon le contexte.
C’est en tout cas ce que j’ai retenu de cet ouvrage 🙂
Cordialement,
Phil