La semaine dernière j’ai vendu Systran avec une PV de 385 % en 9 mois. Acheté à un PRU de 1,00 € il y a une annonce d’OPA à 5 €. Quelles leçons en tirer ?
Malheureusement je n’avais pas publié d’article au moment de l’achat, mais voilà tout d’abord les notes que j’avais écrites pour moi :
« Systran (RAN)
Je n’avais pas encore fait l’analyse mais comme le cours vient de se prendre une claque, je m’y colle. Systran, société française de 40 ans, est le leader mondial des logiciels de traduction automatique avec une présence significative sur les marchés européens et américains. Google et Microsoft sont les deux concurrents qui font peser la plus grande menace sur RAN. Dans une moindre mesure il y a aussi les logiciels Open Source.
La société a un litige juridique avec la Commission européenne. RAN reproche à celle-ci d’avoir porté atteinte en 2003 à ses droits de propriété intellectuelle et d’avoir potentiellement divulgué son savoir-faire. Devant ce risque, une provision pour dépréciation d’immobilisations incorporelles a été passée en 2008 pour 1,35 €/action : cela explique l’énorme perte de cette année-là. Suite à une condamnation, la Commission a dû payer 12 M€ (1,46 €/action) mais elle a introduit un pourvoi. Compte-tenu du pourvoi formé le 25 février 2011, Systran a comptabilisé une provision pour risque pour le même montant. La bataille juridique se poursuit : en novembre 2012 la Cour s’est déclarée incompétente, l’action a chuté. Il y a donc 1,46 €/action de liquidité qui pourrait arriver un jour sur les comptes de RAN. Le groupe ne verse pas de dividendes. Avec le bilan au 31 décembre 2011 nous obtenons :
– NAV = 2,1 €
– VANT = 1,24 €
– VANN = 1,12 €
– Cash moins dettes = 1,06 €
– Cours actuel = 1,0 (avril 2013)
– Solvabilité = 47 %
(mais quasiment tout est liquide donc cela correspond plutôt à un ratio de liquidité = 2)
– PER 2012 = 10
Ces dernières années ont été du même genre :
BNPAdilué 2012-2007 : 0,1 0,09 0,01 0,03 -0,75 0,11 €.
Sauf pour 2008 dont nous avons parlé. Si on exclue 2008, en moyenne sur les 5 ans nous obtenons donc :
– BNPA moyen = 0,07 €
– PER moyen = 14
Conclusion. Une net-net bénéficiaire, et même une triple-net, c’est rare. Inconvénient, le secteur est fortement concurrentiel et la sécurité sur la VANT est faible. Si l’on suivait Graham nous serions preneur aux 2/3 de la VANN soit à 0,75 €. Mais nous savons que si RAN gagne son litige la VANN et la VANT feront plus que doubler (et c’est d’ailleurs le seul catalyseur que nous voyons). Aussi, nous serons preneurs vers 1 €, avec un objectif de cours de 1,24+0,1+1,46=2,8 (+180 %). »
Que peut-on en dire maintenant ?
- tout d’abord qu’il n’est pas question d’extraire un enseignement général d’un cas particulier,
- d’autant que ce n’est pas parce que le cours a monté qu’on a eu raison d’acheter,
- ceci en étant dit, avec le recul il me semble qu’acheter 1 € une société bénéficiaire qui possède 1,06 € de cash nette de dettes était un bon choix : il y a une vraie sécurité, d’ailleurs de telles affaires sont rares (actuellement je n’arrive plus à en trouver),
- il y avait un catalyseur identifié,
- que les catalyseurs effectifs ne seront pas forcément ceux qui ont été identifiés,
Cette ligne représentait moins de 1 % de mon portefeuille : pourquoi ne pas en avoir acheté plus ? Pour deux raisons :
- personne dans mon entourage n’en achetait, cela me semblait bizarre, donc j’en ai pris peu ; je n’ai pas renforcé à 0,8 €,
- la crainte des mastodontes : il me semblait que si Google entrait dans la danse de la traduction automatique il ne ferait qu’une bouchée de Systran.
Finalement j’en conclus que s’en tenir aux chiffres et à la marge de sécurité m’a permis de lutter contre l’opinion de Mr Le Marché qui estimait que l’entreprise valait moins que le cash net qu’elle possédait. Après, un peu de chance a fait le reste. Je retiens aussi que le fait d’être seul à acheter sur une valeur n’est pas forcément le signe que l’investissement soit risqué.
JL – janvier 2014.